Un rapporteur de l’ONU à l’écoute des victimes des exactions policières à Rio

De grosses larmes coulent sur ses joues quand Rosileine Ramos pose face aux caméras, à côté du rapporteur du Conseil des droits de lhomme des Nations unies, lAustralien Philip Alston, venu enquêter sur les exécutions arbitraires au Brésil. Elle exhibe la photo dAllexice, son fils de 16 ans, souriant. Le 5 octobre 2005, il est parti acheter un cahier et il a croisé une voiture de la police militaire (PM), du 22e bataillon de Nova Holanda, raconte-t-elle. Des témoins ont vu les agents le faire descendre du vélo, puis tirer, alors quil avait les mains en lair et quil pleurait. Deux balles, une dans la tête, une au coeur. Mon fils nétait pas un bandit, mais pour eux, les habitants des favelas sont tous des trafiquants.

A côté delle, Izildete Santos, sans nouvelles de son fils de 20 ans, Fabio, emmené par un policier avec son neveu Rodrigo en juin 2003, à la sortie dune kermesse. Cest le soldat Valdemar, du bataillon de la PM de Queimados, qui les a arrêtés, dit-elle. Depuis, plus rien. Comme on est pauvres, on ne peut pas se payer un avocat, alors je cherche toute seule. Des flics me téléphonent pour que jarrête, menacent mes quatre autres enfants. Ils peuvent me tuer, mais je veux savoir ce qui sest passé.

Dans les locaux de luniversité privée Candido-Mendes, à Rio de Janeiro, Philip Alston a écouté les parents de quinze victimes de violences policières, ignorées par la justice. Souvent sans avocat, ils réunissent des preuves pour alerter le ministère public. Ils résident dans des bidonvilles de la zone nord de Rio, là où se déroulent les opérations de police contre les narcotrafiquants.

Entre janvier et septembre 2007, 961 personnes sont mortes au cours dactes de résistance, justification des policiers lorsquun jeune homme, systématiquement présenté comme trafiquant, est tué pour avoir opposé une résistance aux forces de lordre. Un nombre en hausse de 33,5 % par rapport à 2006. On enregistre à peine une vingtaine de policiers morts au cours de ces incidents.

Quatorze organisations de défense des droits de lhomme ont remis à M. Alston un rapport où elles dénoncent la politique de sécurité publique dans lEtat de Rio de Janeiro. La criminalisation des pauvres est stratégique, écrivent les ONG. Elle légitime la répression dans les favelas et justifie le traitement inhumain de leurs habitants.

EXÉCUTIONS SOMMAIRES

Notre obligation est daller désarmer les bandits, car ils banalisent la violence, justifie José Mariano Beltrame, responsable de la sécurité publique à Rio. Cest la police la plus violente du monde, mais elle ne réduit pas la criminalité, assure Sandra Carvalho, directrice de lONG Justiça Global, en demandant la fin de la politique de confrontation. En dépit des plaintes, le gouverneur Sergio Cabral sest engagé à poursuivre les opérations contre les trafiquants qui contrôlent les sept cents favelas de la ville, pour en finir avec lEtat parallèle du crime organisé.

Outre les responsables politiques, M. Alston a rencontré les chefs de lintervention armée dans le bidonville Complexo do Alemao, en juin, qui sest soldée par la mort de 19 personnes. Après enquête, le secrétariat des droits de lhomme auprès de la présidence de la République admet que des exécutions sommaires ont eu lieu, ce que réfutent les autorités locales.

Le rapporteur de lONU sest aussi rendu à Sao Paulo, Recife et Brasilia. Il remettra au Conseil des droits de lhomme, à Genève, ses conclusions et recommandations. La venue du rapporteur donne du courage aux parents des victimes, qui osent rendre publiques les exactions, estime Barbara Soares, du centre détudes sur la violence de luniversité Candido-Mendes. Les pionnières, les mères des victimes des tueries dAcari, de la Candelaria, de Vigario Geral, ont ouvert le chemin et la société en tiendra compte.

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